jeudi 8 novembre 2012

Le petit cordonnier et le tyran (partie 3, et fin)

De cette tour magique, nous sommes les gardiens. 
L’un de nous est honnête, et l’autre est un gredin.
Qui de nous répondra, vous ne le saurez pas.
Une seule question chacun de vous posera,
Pour pouvoir découvrir quel portail traverser,
Et atteindre bien vite, cet endroit convoité.
Mais prenez garde amis! Car si l’un d’eux vous mène
à l’intérieur du lieu, l’autre la mort assène.

n lourd silence suivit la déclaration du miroir, qui finit par être rompu par Tahal.
–Hein ?
Il n’obtint aucune réponse, et le miroir resta coi. Il insista.
–Non mais, quelqu’un a compris ce qu’il a dit ? Eh ! Le miroir, tu peux répéter ?
Le miroir ne pipa mot. Alvin toussota.
–Je peux me tromper, mais il s’agit manifestement d’un miroir magique qui renferme un esprit. Non, plutôt deux en fait. Si j’interprète correctement le poème qu’il nous a récité, je dirais que l’un des deux esprits répondra à nos questions par la vérité, et l’autre par un mensonge. Et que nous n’avons droit qu’à une question chacun pour déterminer quel est le bon portail, sachant que le mauvais nous conduirait à la mort.
–C’est aussi ce que j’en comprends, dit Sélène.
–Et pourquoi il ne dit plus rien alors ? demanda Tahal.
–Il doit considérer que vous avez déjà posé votre question. Il faut qu’un autre parmi nous l’interroge. Le problème, c’est qu’il nous reste donc quatre essais seulement. Nous devons réfléchir et poser de bonnes questions.
–C’est impossible, dit Pierpol, comment saurons-nous si l’esprit qui répond est l’honnête ou le malhonnête ?
Une voix s’éleva du miroir.
Lorsque je vous réponds, vous ne pouvez savoir
Car qui de nous disserte, est très aléatoire !
–Pierpol ! S’énerva Sélène. Nous venons de perdre bêtement une question. Evitez de parler à voix haute bon sang !
Le soldat baissa les yeux piteusement. Les cinq compagnons se rapprochèrent pour pouvoir murmurer sans que le miroir les entende.
–Bon, comment peut-on déterminer en trois questions quel est le bon portail ? demanda Alvin. Pour ce qu’on en sait, il n’y a pas de logique particulière. Il peut dire deux fois d’affilée la vérité, ou trois fois un mensonge… on ne peut pas savoir. Il faudrait réussir, en une seule question, à s’assurer qu’on a affaire au bon esprit et quel portail il nous recommande…
–Bin, il suffit de lui demander dit Poljack ! Miroir ! appela-t-il en élevant la voix. Dis-moi si tu es celui qui dit la vérité, et indique moi le bon portail !
Le miroir répondit :
L’honnête esprit je suis, tu ne dois en douter,
Aie toute confiance en moi, et laisse toi guider.
Le portail à ta droite tu devras traverser
Si la vie est pour toi de quelque qualité.
Poljack souriait, semblant fier de lui. Alvin doucha son enthousiasme.
–C’est idiot ! Et qui nous dit que c’est l’esprit honnête qui a répondu ?
–Mais, et bien, je lui ai demandé !
–Et alors ? Ça peut très bien être le menteur qui a répondu qu’il était celui qui dit la vérité, et en nous indiquant du coup le mauvais chemin ! Nous en sommes au même point ! Non, pire : il ne nous reste plus que deux questions ! Bon sang ! Il doit bien y avoir un moyen de s’assurer que l’esprit qui répond nous indique le bon chemin !
–C’était certes idiot, intervint Sélène, mais ça m’a donné une idée. Laissez-moi poser la prochaine question, je suis certaine de pouvoir déterminer le bon portail, ou plutôt, le mauvais…
Elle avait dit cela avec un petit sourire et le regard brillant. Tahal s’empourpra.
–Voyons ! Vous n’allez pas laisser cette gamine gâcher nos chances ? Il nous reste deux questions, nous ne devons pas les gaspiller !
–Franchement, à moins que vous n’ayez un moyen de contraindre un miroir magique à nous dire la vérité, je serais d’avis de la laisser faire, dit Alvin. Moi en tous cas, je n’ai pas la moindre idée de la façon de nous en sortir !
Tahal ouvrit la bouche, mais son regard se perdit dans le vide. Il leva les mains en signe d’impuissance.
–Bah ! Faites comme vous voulez, mais ça m’étonnerais beaucoup qu’une petite sotte puisse venir à bout d’un problème si complexe qu’un magicien de mon calibre ne sache le résoudre facilement !
Sélène se plaça face au miroir et demanda :
–Miroir, que me répondrait ton alter ego si je lui demandais quel est le portail que nous pouvons traverser sans danger ?
Le miroir mit quelques secondes avant d’énoncer :
Le chemin à ta gauche ne présente nul danger,
C’est celui qu’il te faut pour voir ta vie sauvée.
Tahal, Pierpol et Poljack semblaient perplexe, mais le visage d’Alvin s’éclaira.
–Bien sur ! C’est génial ! Le bon portail est donc celui de droite !
–Et oui, dit Sélène avec un petit sourire.
–Hein ? Que… quoi ? s’étouffa Tahal. Mais qu’est-ce qui vous permet de l’affirmer ?
Le magicien semblait perdu. Sélène lui répondit calmement.
–C’est logique pourtant. Réfléchissez : si c’est le menteur qui répond, il devra indiquer le contraire de ce que dirait l’esprit honnête, c’est à dire le portail mortel. Et si c’est l’esprit honnête, il répondra honnêtement ce qu’aurait dit le menteur, donc le portail mortel. Dans les deux cas, le miroir nous indique le mauvais portail. Il suffit donc de choisir l’autre pour prendre le chemin sans danger.
Le magicien regardait Sélène avec stupéfaction. Pierpol et son compère semblaient essayer de comprendre en fronçant les sourcils, tandis qu’Alvin et Sélène se regardaient en souriant, d’un air complice. Finalement, Sélène prit la direction du portail de droite qu’elle franchit allègrement. Semblant littéralement avalée par le mur, elle fut immédiatement suivie par Alvin. Le mage et les deux soldats hésitèrent un peu et passèrent à leur suite, non sans une certaine appréhension.

e portail était bien le bon. Les cinq compagnons se trouvaient à présent dans la tour, au pied d’un grand escalier en colimaçon, dont ils entamèrent la montée. Ils finirent par déboucher dans une vaste pièce circulaire, assez encombrée. Les murs étaient garnis de miroirs, pour certains recouverts d’un rideau. De nombreux instruments parsemaient la pièce posés ou non sur des tables. Près du centre, à côté d’un pupitre, une statue, qui devait représenter le maître des lieux, brandissait un petit miroir à bout de bras. Un peu plus loin, on trouvait ce qui ressemblait à une forge.
–Et bien ça n’est pas gagné, lâcha Alvin dans un soupir.
–Mais… où sont les grimoires ? Où sont les parchemins ? Où sont les fioles et les cornues ? s’exclama Tahal.
Alvin haussa les épaules.
–Grimoires et parchemins sont l’apanage des sorciers, et les cornues celui des alchimistes, or, rien ne dit de Scarabulle était un sorcier ou un alchimiste. En fait, compte-tenu de ce que nous voyons, je soupçonne qu’il s’agissait plutôt d’un enchanteur. Je dirais même d’un enchanteur spécialisé dans les miroirs.
–Alors… le secret de l’immortalité serait un miroir ? interrogea Sélène.
–Si un tel secret existe, précisa Alvin, c’est plus que probable.
Les cinq compagnons se séparèrent pour explorer la pièce, à la recherche d’un indice. Tahal avait sorti un pendule, et avançait lentement en faisant osciller celui-ci près de chaque miroir qu’il croisait. Pierpol et Poljack, guère rassurés, s’accrochaient l’un à l’autre et observaient les miroirs accrochés au mur. Sélène examinait les instruments énigmatiques qui parsemaient la pièce, et Alvin s’approcha du pupitre près de la statue. Un petit carnet garni d’une fine écriture difficilement lisible était posé sur la tablette. Alvin s’en saisi et commença à le parcourir.
–Oh ! Regardez ! Il est rigolo ce lapin avec son sablier !
C’était Poljack qui avait parlé. Lui et son compère avait soulevé le coin d’un rideau qui masquait une psyché dont le cadre semblait fait d’or pur. Relevant la tête et voyant cela, le jeune cordonnier prit un air inquiet et s’exclama :
–Non ! Ne regardez p…
Trop tard. Les deux soldats venaient de contempler leur reflet dans le miroir. Avant que quiconque ait pu faire un mouvement, ils semblèrent comme aspirés par le reflet et disparurent aux yeux de tous. Le rideau retomba mollement devant la glace. Alvin lança immédiatement un avertissement.
–Que plus personne ne touche aux rideaux ! Les miroirs qui sont masqués présentent…
Il semblait hésiter.
–…des risques.
Sélène semblait inquiète.
–Que leur est-il arrivé ? Ils sont morts ?
Alvin semblait ennuyé.
–Non… enfin, je ne crois pas. D’après les notes de Scarabulle, dit-il en montrant le carnet qu’il tenait en main, chaque miroir possède des propriétés magiques. Comme je le soupçonnais, c’était un enchanteur. Son écriture n’est pas facile à déchiffrer mais, à priori, la psyché que nos deux compagnons ont contemplé n’était pas mortelle. Apparemment, il s’agit du prototype pour un travail de commande pour… un non-anniversaire ?
Alvin fronça les sourcils.
–C’est bien ce qui est écrit : un non-anniversaire ! Une note dans la marge précise le mot « chapelier ». Enfin bref, un peu comme les portails en bas de la tour, le miroir conduit… ailleurs.
–Oui, mais où ?
–Je ne sais pas trop. Les notes ne sont pas claires, mais apparemment, dans une sorte de royaume magique assez étrange qui…
Tahal interrompit le jeune homme.
–Bon, c’est bien joli tout ça, mais il existe un moyen de les faire revenir ?
–Scarabulle n’en parle pas dans ses notes. En théorie, il faudrait un miroir similaire de l’autre côté. Reste à savoir si Pierpol et Poljack le trouveront…
–En gros, c’est à eux de se débrouiller ?
–En gros oui. Et pour ce qui nous concerne, je recommande d’éviter de se regarder dans n’importe quel miroir.
Tahal hocha la tête pour approuver.
–Et ces notes… elles ne disent pas quel miroir est celui que nous cherchons ?
–Pour l’instant, je n’ai fait que les survoler. Je cherche.
Sélène et le mage s’écartèrent prudemment des miroirs voisins, en jetant des regards nerveux autour d’eux. Alvin finit par dire :
–Les dernières notes évoquent bien quelque chose… Scarabulle y fait référence à sa volonté d’obtenir l’éternité. Il parle d’un miroir…
Le regard de Tahal s’éclaira.
–Le décrit-il ?
–Il y a des croquis préparatoires. Je pense qu’il est assez petit. De forme ronde avec sans doute un dessin de spirale gravé au dos. Le genre de miroir qu’on peut tenir en main…

ahal et Sélène regardaient autour d’eux, cherchant à identifier l’objet répondant à cette description. Finalement, les yeux du mage se posèrent sur le miroir que tenait la statue. Petit. Rond, avec une spirale en relief sur sa face arrière. Tenu dans les mains de la statue. Sans attendre, Tahal se précipita et, partant d’un grand éclat de rire, saisi l’objet en le dissimulant dans les replis de sa cape.
–Nous avons réussi ! éructa-t-il. Le roi va nous couvrir d’or !
Alvin leva les yeux, les reposa sur le carnet, puis les leva de nouveau. Il poursuivit ce va-et-vient à plusieurs reprises. Le jeune cordonnier semblait perplexe. Soudain, en regardant le carnet une énième fois, son regard s’assombrit.
–Oh bon sang ! Tahal, non ! Il ne faut pas… Ce miroir, il ne faut surtout pas le donner au roi !
–Quoi ? Ne me dites pas que ça n’est pas le bon ?
–Hein ? Euh si… enfin… la question n’est pas là, mais…
–Ah ! Je le savais, vous voulez garder cet objet pour vous ! Traitre à la couronne ! Le roi a eu raison de se méfier de vous ! Il m’avait ordonné de me débarrasser de vous et de cette encombrante « princesse » dès que nous aurions réussi la mission ! Ainsi soit-il !
Tahal avait hurlé cela en reculant. A présent, il agitait les mains et marmonnait une incantation :
–Voyons comment avait-il que c’était déjà ? Ah oui ! Ignis ! Hum…  hum… euh…Gallina ignis… euh… imito !
Immédiatement une forme enflammée se forma devant les mains du mage et se dirigea vers Alvin et Sélène. Sans attendre, Tahal sauta sur son tapis volant avec un rire sardonique, et sortit en brisant une fenêtre.
–Mouahaha !


–Côt ?

élène et Alvin contemplaient, incrédules, une grosse volaille qui semblait constituée de flammes. L’air ahuri, l’animal de feu entreprit de picorer quelque gravier au sol.
–Il s’est passé quoi là ? demanda Sélène éberluée.
–Je crois que Tahal a tenté de nous lancer une boule de feu. Mais au lieu de ça, il nous a lancé une… une poule de feu.
–En attendant, il s’est sauvé avec le miroir d’immortalité…
Alvin se frappa le front.
–Oh bon sang ! Le miroir !
–Oui et bien quoi ?
–Ce… ça n’est pas du tout ce que nous pensions ! Il faut impérativement arrêter Tahal avant qu’il ne remette le miroir entre les mains du roi !
–Euh… d’accord, mais comment faire pour l’arrêter ? Il est parti sur sa carpette volante !
–J’ai peut être quelque chose dans mon sac mais… je n’en ai qu’une paire. Il faudra que je vous porte.
Alvin tira de sa besace une paire de bottes en cuir. Curieuse, la jeune femme lui demanda :
–Qu’ont-elles de spécial ?
–Ce sont des bottes de trois lieues et demi. C’est un prototype. La version finale allait jusqu’à sept. A chaque pas, leur porteur peut donc parcourir jusqu’à trois lieues et demi.
Alvin chaussa les bottes, et soulevant Sélène dans ses bras, il s’élança. Le paysage défilait à folle allure. Il ne fallut pas plus de deux heures pour atteindre le palais royal. Sans attendre, les jeunes gens pénétrèrent dans le château et se précipitèrent vers la salle du trône. 
De nombreux courtisans s’y trouvaient qui avaient une expression horrifiée. Au centre de la pièce, on pouvait voir une statue du roi, tenant dans ses mains un miroir. Juste derrière lui, comme regardant par dessus son épaule, une statue du mage Tahal. Autour d’eux, des conseillers affolés courraient en tout sens. Sélène fronça les sourcils.
–Je ne comprends pas, que se passe-t-il ? Que font ces statues ici ?
Les épaules d’Alvin s’affaissèrent. Il secoua la tête d’un air désolé.
–Voilà ce que je voulais éviter. Ce ne sont pas des statues. Pas plus que celle dans la tour n’en était une. Le miroir de Scarabulle donne bien accès à l’éternité mais… sans doute pas de la façon dont il l’imaginait. Je m’en suis douté en lisant ses notes. L’enchantement utilisé me rappelait celui de mes semelles Tempus Fugit. En fait, il fait précisément l’inverse : il ralentit l’écoulement du temps pour celui qui le regarde. Il le ralentit même au point de l’arrêter totalement. Scarabulle, le roi, et Tahal sont figés ainsi pour l’éternité.
–Mais alors, et les vieillards centenaires de Havreclair ? D’où leur vient leur longévité ?
–Les enchanteurs ont presque toujours un ancêtre d’origine féérique. Les humains normaux maîtrisent mal cette forme de magie. Or, les fées ont une espérance de vie très longue, et cela se constate aussi chez leurs enfants même s’ils sont partiellement humains. Si certains habitants de Havreclair sont des descendants de Scarabulle ou même directement des Sidhes de la forêt voisine, cela peut expliquer leur âge avancé sans que la magie y soit mêlée.
Le chancelier Mercurio, qui se trouvait non loin de là, avait entendu tout ce que le cordonnier venait de dire.
–Mais… alors, si le roi est figé pour l’éternité, qui va gouverner le royaume ?
Alvin réfléchit deux secondes.
–Et bien, ça me paraît assez évident, le roi avait un héritier. Une héritière plutôt. La princesse.
–La pr… Moi ? s’exclama Sélène. Mais je ne veux pas gouverner !
–Vous feriez pourtant une reine parfaite, répondit Alvin avec douceur. Vous êtes intelligente et persuasive. Et votre charme ainsi que votre beauté correspondent plutôt bien à l’idée que l’on se fait d’une reine.
–Mais, je ne saurais pas faire ! Je n’y arriverais jamais seule ! Vous devez m’aider…
–Ohlà ! Je ne suis que cordonnier, la gouvernance d’un royaume est une chose qui me dépasse !
–Ahem ! toussota Mercurio, qui observait les jeunes gens avec un petit sourire en coin. Les lois sont ainsi faites : l’héritier du trône est appelé à régner si le souverain en titre se trouve définitivement dans l’impossibilité d’exercer son autorité, ce qui est le cas. En outre, il y a un autre point à régler : le roi avait promis la main de la princesse à messire le cordonnier si le secret d’immortalité lui était ramené. Bien que ce secret ne fut sans doute pas ce qu’il en attendait, le marché a bel et bien été rempli…
Alvin écarquilla les yeux, et balbutia en rougissant :
–Ah… euh… ne vous en faites pas pour ça Sélène. Je… je… ça n’est pas mon genre de forcer qui que ça soit… enfin, je veux dire… je ne…
Souriant d’un air espiègle, la jeune femme dit :
–Quoi ? Je ne vous plais pas messire cordonnier ?
–Que… hein ? Non ! Pas du tout ! Euh, je veux dire si, bien sûr ! Rhaaa… Je vous trouve ravissante et… et charmante, et tout ça, c’est évident, mais je ne forcerai jamais une jeune femme à m’épouser sur la base d’une promesse faite par quelqu’un d’autre ! Ce sont des pratiques barbares ! Et puis… on ne se connaît pas depuis très longtemps, et…
Sélène jeta un œil vers son père, toujours avec un petit sourire. Ce dernier lui retourna un regard attendri. Elle se tourna de nouveau vers Alvin.
–Tu es quelqu’un de bien Alvin. Cette seule réponse suffirait à me le prouver si je ne l’avais pas déjà remarqué auparavant. Soit : nous ne nous marierons pas pour respecter la promesse du roi. Mais si tu le veux, j’aimerais que nous apprenions à mieux nous connaître, et, peut être dans quelques temps, si tu me demandes ma main…
Elle n’acheva pas sa phrase. Le jeune homme était rouge comme une pivoine, mais son sourire valait toutes les réponses.


a princesse Sélène fut couronnée dès le lendemain, afin d’éviter une trop longue vacance du trône qui aurait pu donner de mauvaises idées aux royaumes voisins. La cérémonie fut sobre, mais dans la semaine qui suivit, la nouvelle se répandit dans le royaume et des festivités furent organisées spontanément un peu partout. Le tyran déchu n’était guère regretté. Le règne de Sélène fut paradoxalement très court. Elle organisa quelques réformes qu’elle jugeait primordiales, puis modifia la constitution du royaume afin d’en faire une démocratie. Six mois après l’accession au trône de la toute nouvelle reine, cette dernière abdiqua pour laisser la place au président nouvellement élu par la population en liesse : l’ancien chancelier Mercurio.

e président Mercurio gouverna la république de Roquedur avec sagesse durant de nombreuses années, et sous son impulsion, le pays devint un véritable pôle commercial et culturel.
Pierpol et Poljack finirent par reparaître un beau jour. Ils racontèrent une épopée très fantaisiste qu’ils auraient vécu dans un étrange royaume magique. Personne ne les cru, mais leurs histoires ayant beaucoup de succès, ils finirent par se lancer comme troubadours sous leurs noms complets : Pierpol Lewis et Poljack Caroll. Leurs spectacles faisaient salles combles.
Diego ne fut plus jamais vu en Roquedur, mais un voyageur de passage raconta l’avoir croisé dans le royaume voisin de Brocéliande, en bordure de la grande forêt des Sidhes. Apparemment il avait vécu de passionnantes aventures dans les Terres Sauvages de Cairn et envisageait d’y retourner au plus vite pour y retrouver une amie chère à son cœur.
Alvin et Sélène choisirent de ne pas se marier, du moins pas tout de suite. Manifestement très amoureux l’un de l’autre, ils se trouvaient cependant tous deux un peu jeunes pour cela. De plus, les origines féériques d’Alvin le rattrapaient, et la quête qu’ils avaient réalisé avait servit de déclencheur : le cordonnier avait attrapé le démon du voyage. Ils décidèrent donc de partir ensemble, pour explorer le vaste monde. Ils vécurent encore de nombreuses aventures, mais ceci est une autre histoire…

Fin